Des militaires burkinabés ont annoncé lundi à la télévision nationale avoir renversé le président, Roch Kaboré. Dans leur allocution, ils ont dénoncé la « dégradation continue de la situation sécuritaire » et « l’incapacité manifeste du pouvoir » à y faire face. Le Burkina Faso est le troisième État de la région à connaître un coup d’État militaire en quelques mois, après le Mali en mai et la Guinée en septembre. L’Afrique est le continent ayant connu le plus de coups d’État, tentés ou réussis, ces dernières décennies.
Un coup d’État ou un putsch est la prise du pouvoir par un petit groupe, militaire ou non, qui renverse les dirigeants en place grâce à des moyens non constitutionnels et la force. Le soutien des forces armées joue souvent un rôle décisif dans la réussite du coup d’État, selon deux chercheurs américains qui ont mis au point une base de données sur les coups d’État perpétrés dans le monde depuis 1950. L’Afrique est le continent sur lequel le plus grand nombre de coups d’État ont été recensés entre 1950 et fin 2021 : il y en a eu 213, dont environ la moitié ont réussi [voir une infographie], selon cette base de données régulièrement mise à jour. « Les coups d’État se produisent généralement dans des pays disproportionnellement pauvres, qui souffrent d’autres formes d’instabilité politique », expliquait Jonathan Powell, un des chercheurs, au Washington Post en 2016. Les oppositions et les ONG dénoncent fréquemment le maintien au pouvoir de certains dirigeants africains ayant eu recours à des modifications de la Constitution, afin de ne plus être limités à un nombre de mandats maximum, et assimilent cette pratique à un « coup d’État constitutionnel ».
Le capitaine Thomas Sankara, dirigeant du Burkina Faso, est assassiné le 15 octobre 1987 lors d’un coup d’État perpétré par un commando, qui tue également 12 autres personnes. Au pouvoir depuis 1983 après un coup d’État, Thomas Sankara était un révolutionnaire anti-impérialiste. Le soir de son assassinat, un des putschistes annonce la dissolution du Conseil national de la révolution qu’il dirigeait, dénonçant un « pouvoir autocratique ». Le coup d’État porte le capitaine Blaise Compaoré au pouvoir. Il niera toujours avoir commandité l’assassinat de son ami Thomas Sankara. Alors que l’identité du commanditaire demeure inconnue, le procès pour l’assassinat de Thomas Sankara s’est ouvert en octobre dernier au Burkina Faso. 14 personnes y sont jugées, dont Blaise Compaoré, en fuite en Côte d’Ivoire. Bruno Jaffré, historien et militant associatif, a estimé en octobre que le tribunal n’était « pas en possession de tous les éléments nécessaires pour établir l’existence ou non d’un complot international » et d’une éventuelle implication de la France, ancienne puissance coloniale du pays.
En 2000, l’Organisation de l’unité africaine (OUA), une organisation interétatique, adopte la déclaration de Lomé, dans laquelle ses États membres expriment « leur grave préoccupation face à la réapparition du phénomène de coups d’État en Afrique ». Via la déclaration de Lomé, l’OUA établit des principes communs pour la démocratisation des pays et prévoit une série de sanctions en cas de coup d’État, dont la suspension du pays concerné des organes de l’OUA et des restrictions commerciales. L’Union africaine (UA), qui a succédé à l’OUA en 2002, exercera « ce pouvoir de suspension à 14 reprises » de 2003 à mi-2020, selon l’Institut d’études de sécurité, un centre de réflexion africain, alors que 15 coups d’État avaient eu lieu sur la seule décennie 1990. Cette baisse s’explique en partie par l’« interdépendance économique accrue » des pays africains avec le reste du monde et l’instauration de sanctions par des organisations internationales qui rendent les coups d’État « moins attrayants », analysait Jonathan Powell au Washington Post en 2016. La Cédéao, une organisation intergouvernementale ouest-africaine, peut prendre des mesures similaires en cas de coup d’État.
En mars 2011, Mahamadou Issoufou remporte l’élection présidentielle au Niger, avec près de 58 % des suffrages au second tour. Cette élection était destinée à rétablir un régime civil au pouvoir, un an après un coup d’État militaire qui avait renversé l’ancien président Mamadou Tandja. Les putschistes avaient alors affirmé mettre « fin à la situation politique tendue » depuis plusieurs mois. La crise politique au Niger résultait du refus du président Tandja de se retirer au terme de son second quinquennat. Il avait procédé à la dissolution de l’Assemblée nationale et de la Cour constitutionnelle et fait adopter par référendum une nouvelle Constitution ne prévoyant aucune limite de mandat. Les putschistes, qui ont mis en place des instances chargées de rédiger de nouvelles lois organiques, s’étaient engagés à ne pas se présenter aux futures élections. La mission d’observation électorale conduite par l’Union européenne a estimé en mars 2011 que la campagne et le déroulé du scrutin de la présidentielle avaient conduit « à une élection présidentielle crédible et à la conclusion d’un processus exemplaire de transition démocratique ».
En août 2020, des scènes de liesse ont lieu à Bamako, la capitale du Mali, pour célébrer le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, poussé à la démission par un coup d’État militaire. Le Mouvement du 5 juin, rassemblant des forces d’opposition, se félicite de cette démission. Il organisait depuis deux mois des manifestations régulières pour demander le départ du président, dénonçant la corruption ou encore l’impuissance de l’État face aux attaques djihadistes. Des manifestations de soutien au coup d’État survenu lundi au Burkina Faso ont également été observées à Ouagadougou, la capitale, le pays étant lui aussi confronté à une dégradation du contexte sécuritaire liée à l’expansion de groupes djihadistes au Sahel. « Les problèmes sécuritaires et le manque de probité des dirigeants constituent un terreau fertile pour les coups d’État », a expliqué mercredi sur France 24 le sociologue malien Aly Tounkara, ajoutant que les putschistes « instrumentalisent ces questions pour se légitimer auprès du peuple ».
Le chanteur de reggae ivoirien Alpha Blondy s’est imposé un « embargo » personnel pendant cinq ans, de 2002 à 2007, qui consistait à ne pas chanter dans son pays ni enregistrer de nouveaux disques tant qu’il y aurait la guerre. Il protestait de cette façon contre la guerre civile en Côte d’Ivoire qui a débuté après une tentative de coup d’État ratée. Ce chanteur engagé a également consacré une chanson pour dénoncer les coups d’État en Afrique [à écouter ici].
Pour aller plus loin
Nos explications sur le coup d’État de lundi au Burkina Faso.
Un webdocumentaire de RFI sur l’assassinat de Thomas Sankara.
Une analyse sur les derniers coups d’État au Sahel sur France 24.
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