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La lutte contre l’obésité

Près d’un quart des adultes en Europe sont considérés comme obèses, selon un rapport publié mardi par le bureau européen de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une agence de l’ONU. Il estime que l’obésité constitue une « épidémie croissante » en Europe. Cette maladie non reconnue comme telle durant la majeure partie du XXe siècle a commencé à faire l’objet de politiques publiques au début des années 2000, sans que celles-ci parviennent à infléchir la hausse de sa prévalence partout dans le monde.

Le concept

L’obésité est une maladie chronique qui se caractérise par un excès de masse grasse. Elle « résulte de l’intrication de plusieurs facteurs », comme la sédentarité, l’alimentation et la génétique, explique l’Inserm, un institut de recherche médicale public, sur son site. « Une grande partie des personnes en situation d’obésité ont de nombreux facteurs de prédisposition génétique » qui ne sont pas responsables individuellement du développement de l’obésité mais le favorisent lorsqu’ils interagissent avec d’autres facteurs (environnement socio-économique, stress, par exemple), précise à B‌r‌i‌e‌f‌.‌m‌e Karine Clément, professeur de nutrition à Sorbonne Université, médecin chercheur à l’Inserm. Les complications associées à l’obésité (diabète, maladies cardiovasculaires, cancers, etc.) entraînent la mort d’au moins 2,8 millions de personnes dans le monde chaque année, selon l’Inserm. Le nombre de cas d’obésité dans le monde a quasiment triplé depuis 1975, selon l’OMS. 17 % de la population adulte est concernée par cette maladie en France, signale le ministère de la Santé.

Les dates clés

  • 1997
    L’obésité reconnue comme « maladie chronique » par l’OMS

    En juin 1997, une réunion d’experts organisée par l’OMS définit pour la première fois l’obésité comme une « maladie chronique ». « Elle cesse d’être considérée comme un état et devient une pathologie », explique Karine Clément. « L’obésité a fortement progressé dans le monde depuis les années 1970, en premier lieu aux États-Unis, puis dans les pays européens », contextualise-t-elle. Un rapport de l’OMS publié en 1998 incite les pays à développer la prévention et la prise en charge de l’obésité. Les politiques publiques qui seront adoptées dans les années suivantes prendront surtout la forme de politiques de prévention « centrées sur le comportement individuel », souligne Thibault Bossy, maître de conférences en sociologie, dans un ouvrage collectif de 2010. « Comme d’autres problèmes de santé publique (alcoolisme, tabagisme), l’obésité a longtemps été perçue comme un problème moral, de faiblesse de la volonté individuelle, avant aujourd’hui d’être appréhendée sous l’angle de facteurs autres qu’individuels (environnementaux, socio-économiques) », pointe-t-il.

  • 2001
    Combattre l’obésité infantile

    Le gouvernement français lance en janvier 2001 le premier Programme national nutrition santé (PNNS), dont l’un des axes prioritaires est la lutte contre l’obésité infantile. Des circulaires ministérielles adoptées la même année et en 2003 mettent en avant le rôle de l’école dans ce domaine, recommandant l’apport de repas équilibrés à la cantine. « Depuis les années 1970, la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les enfants a globalement augmenté dans tous les pays », souligne une étude de l’Université Paris 13 publiée en 2011. Ses auteurs rapportent qu’en 2000, l’obésité concernait 3,8 % des enfants de 7 à 9 ans, mais qu’en 2007 ce pourcentage est tombé à 2,8 %, ce que le rapport explique en partie par la hausse de la pratique d’une activité sportive en dehors de l’école. Cette décrue n’aura cependant qu’un temps : « On a cru qu’il y avait un infléchissement de la courbe vers 2010, mais elle a continué de progresser ensuite, en particulier chez les personnes à la situation économique plus vulnérable », explique Karine Clément.

  • 2004
    Le choc « Super Size Me »

    En mai 2004, le documentaire de Morgan Spurlock « Super Size Me » sort aux États-Unis. Le réalisateur cherche à sensibiliser l’opinion publique à la montée de l’obésité, qui concerne alors un adulte américain sur trois, selon les autorités de santé américaines. Dans le but de dénoncer la possible responsabilité des chaînes de restauration rapide dans ce problème de santé publique, il va manger exclusivement au McDonald’s durant un mois : il prend 11 kilos et son taux de cholestérol augmente fortement. Deux mois avant la sortie du documentaire, McDonald’s annonce la suppression de son option « super size » (grand format) ; les responsables de l’entreprise nient que cette décision ait un lien avec le film. Les années 2000 sont marquées par des critiques et des pressions de plus en plus importantes visant l’industrie de la restauration rapide : en 2006, la chaîne de fast-food KFC annonce qu’elle va changer d’huile de cuisson pour en utiliser une moins nocive. Deux ans plus tard, la municipalité de New York et l’État de Californie adoptent des lois pour contraindre les chaînes de restauration à afficher le nombre de calories sur leurs menus.

  • 2014
    L’obésité, un handicap ?

    Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, chargée de garantir le respect de la législation européenne, estime que « l’état d’obésité d’un travailleur constitue un “handicap” » s’il limite la vie professionnelle de celui-ci. La décision est saluée par certaines associations, tandis que des professionnels de santé craignent qu’elle crée un risque de stigmatisation. « Le handicap fait référence à une personne qui n’est pas autonome et qui a besoin d’assistance. Ce n’est pas le cas de tous les obèses », déclare le médecin Arnaud Cocaul dans une interview à Atlantico la même année. Dans une tribune publiée dans Le Monde en mars 2022, une quarantaine d’associations déplorent le fait que l’obésité ne soit pas reconnue comme maladie chronique en France et ne fasse « pas partie des pathologies qualifiées “d’affection longue durée” par la Sécurité sociale, ouvrant droit à un remboursement à 100 % des soins ».

Le saviez-vous ?
L’IMC, un indicateur parfois trompeur

L’Indice de masse corporelle (IMC), généralement utilisé pour définir l’obésité, se calcule au moyen du poids et de la taille d’une personne (le poids en kilogrammes divisé par la taille en mètres au carré). Il n’est toutefois pas un « indicateur suffisant », estime Karine Clément. Il ne prend en effet pas en compte certains éléments, comme la masse musculaire. Certains sportifs de haut niveau ont ainsi un IMC élevé, qui les classerait de fait dans la catégorie « en surpoids » (IMC compris entre 25 et 30) voire « obèse » (IMC supérieur à 30), alors qu’ils sont en bonne santé par ailleurs.

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