Emmanuel Macron s’est prononcé lundi en conférence de presse pour un mécanisme européen de contribution financière des entreprises du secteur de l’énergie, qui permettrait aux États membres de financer des mesures nationales. « Il y a en effet des bénéfices indus qui sont faits par des opérateurs de marché aujourd’hui », a-t-il fait valoir. La taxation des superprofits, qui fait l’objet d’un débat en France, a connu plusieurs exemples par le passé sous des formes diverses.
Le profit désigne le résultat positif d’une entreprise, quand ses produits (principalement ses ventes) sont supérieurs à ses charges (ou coûts). La notion de « superprofit » renvoie à des profits supérieurs à ceux enregistrés habituellement. Ces bénéfices anormalement élevés peuvent être le résultat de facteurs extérieurs à l’entreprise plutôt que de son propre investissement ou travail. Leur taxation constitue dans ce cas « un moyen de redistribuer ces gains » réalisés « aux dépens » de la société, estime le groupe de réflexion britannique Institute for Government. En raison de la guerre en Ukraine et de la hausse des prix de l’énergie, plusieurs entreprises du secteur ont enregistré des bénéfices exceptionnels. Quelques pays européens ont décidé ces derniers mois de taxer ces superprofits, comme l’Italie et le Royaume-Uni.
Le terme « superprofits » est utilisé pour la première fois, de manière fugace, par le philosophe et économiste allemand Karl Marx dans son ouvrage « Le Capital », publié en 1867. Il qualifie le « superprofit » (ou « surprofit » selon les traductions) de « profit dépassant le profit moyen ». Karl Marx estime que le taux moyen de profit dépend « du degré d’exploitation du travail social par le capital social » (les fonds investis par les capitalistes). Selon lui, le superprofit, recherché par les capitalistes, est le résultat d’un « surtravail exceptionnel », d’« une productivité exceptionnelle du travail » ou encore d’un niveau de salaires inférieur à la moyenne. Il évoque aussi les superprofits générés par une situation de monopole. D’autres économistes considèrent que les superprofits sont justifiés quand ils sont le résultat d’un investissement ou d’une innovation. L’économiste autrichien Joseph Schumpeter (1883-1950) estime que l’entrepreneur est un innovateur et que ses innovations participent à la croissance économique. Les profits qu’il génère, grâce à sa situation temporaire de monopole, sont une récompense de sa prise de risque.
En 1916, en pleine Première Guerre mondiale, le Parlement français adopte une loi qui crée une contribution sur les bénéfices exceptionnels réalisés pendant la guerre. Cet impôt s’applique aux entreprises ayant obtenu des commandes de l’État en raison du conflit (armement, sidérurgie, etc.) et à divers professionnels (commerçants, professions libérales, etc.) dont les bénéfices réalisés excèdent le bénéfice normalement réalisé avant la guerre. La transformation de l’économie en économie de guerre a poussé le gouvernement à conclure des marchés sans en négocier le prix avec les industriels. « Nombre de contrats assurent à leurs bénéficiaires des profits faramineux » et « les finances publiques sont mises en danger par des profiteurs sans scrupule », dont la presse se fait l’écho, rapportait l’historienne Fabienne Bock dans un ouvrage de 2018. L’historien François Bouloc, auteur du livre « Les Profiteurs de guerre, 1914-1918 », estime que cette contribution vise aussi à calmer « ce bouillonnement de l’opinion » face aux profiteurs de guerre. Elle prendra fin un an après la fin de la guerre.
Le Congrès des États-Unis, l’équivalent du Parlement, introduit en 1980 une taxe visant à empêcher « les bénéfices exceptionnels du pétrole brut » produit dans le pays. Appliquée en réalité sur la production et non sur les profits, elle s’inscrit dans un contexte de libéralisation des prix du pétrole. Ces prix faisaient l’objet d’un régime de contrôle à la suite de la première crise pétrolière et de l’embargo pétrolier décidé par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) en 1973. Avec la disparition progressive de ce contrôle, le Congrès craint que les compagnies pétrolières augmentent indûment leurs prix et souhaite ainsi récupérer les « profits excessifs non mérités », expliquait un rapport du Service de recherche du Congrès de 2006. La taxe sera abrogée en 1988. Elle n’a pas permis de générer autant de recettes fiscales qu’espéré, selon ce même rapport. Dans l’intervalle, les importations de pétrole étranger ont augmenté et la production nationale a baissé.
Le Parlement de Mongolie décide d’abroger progressivement à partir de 2009 une taxe de 68 % sur les bénéfices exceptionnels enregistrés par les sociétés qui exploitent l’or et le cuivre dans le pays. En vigueur depuis 2006, cette taxe a « eu un effet dissuasif sur les nouveaux investissements étrangers » jusqu’à son abrogation, souligne une étude de la Banque mondiale, un organisme de financement du développement, parue en 2010. L’économie mongole est fortement tributaire du secteur minier. La suppression de cette taxe a permis au gouvernement mongol de signer en 2009 un accord d’investissement avec une société canadienne pour la construction et l’exploitation du complexe minier cuivre-or d’Oyou Tolgoï, dans le sud de la Mongolie, présentée par la société comme l’une des plus grandes mines de ce type au monde.
Qu’advient-il des profits ? Une entreprise dont le résultat net est positif peut décider de mettre en réserve ses profits, c’est-à-dire les conserver. Elle peut aussi les utiliser pour rémunérer ses actionnaires en leur versant des dividendes ou les redistribuer à ses salariés à travers des mécanismes d’intéressement ou de participation ou la distribution de stock-options ou d’actions gratuites. Les dividendes versés au deuxième trimestre 2022, au titre des profits réalisés en 2021, ont atteint des niveaux record de 47 milliards de dollars en France et de 544,8 milliards de dollars dans le monde, selon une étude réalisée par le gestionnaire d’actifs Janus Henderson et publiée en août.
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