Lula, élu dimanche président du Brésil, a annoncé faire de la préservation de la forêt amazonienne un des enjeux majeurs de son mandat. Cette forêt riche en espèces animales et végétales a fait l’objet d’une forte exploitation depuis le milieu du XXe siècle. Des initiatives ont été prises pour la protéger, même si celles-ci se sont révélées souvent insuffisantes.
Située dans le nord de l’Amérique du Sud, la forêt amazonienne, qui recouvre environ 6 millions de kilomètres carrés et abrite quelque 30 millions d’habitants, s’étend sur neuf pays, dont la France, via la Guyane [voir une carte]. 60 % de la forêt se trouve au Brésil. Ce pays se lance à partir de 1953 dans une politique de développement de l’Amazonie « pour rattraper le retard entre cette région et la partie sud du pays », explique Moïse Tsayem Demaze, maître de conférences en géographie, dans un article de 2008. « À partir des années 1970, tout s’accélère », écrivent les géographes Marion Daugeard et François-Michel Le Tourneau dans un article de 2018. Les militaires au pouvoir au Brésil mettent en place « des incitations fiscales pour faciliter la “valorisation” des terres, entraînant l’apparition de fronts de déboisement à vaste échelle en Amazonie », ajoutent-ils. Parmi les grands projets mis en œuvre figure la transamazonienne, une route de plus de 4 000 kilomètres de long, dont la construction entraîne une déforestation massive.
En février 1972, les autorités du Pérou créent dans le nord du pays la réserve naturelle de Pacaya-Samiria. Cette mesure vise à « conserver les écosystèmes représentatifs » de l’Amazonie péruvienne, qui couvre environ 60 % du pays, explique le site du gouvernement. La région abrite de nombreuses espèces menacées comme la loutre géante et le paiche, le plus gros poisson d’eau douce d’Amérique du Sud. La réserve naturelle est agrandie en 1982. Elle est la plus grande réserve naturelle du Pérou. Le statut de réserve naturelle limite les nouvelles implantations, la chasse et la pêche, sans pour autant les interdire puisqu’elles sont essentielles au mode de vie des populations indigènes locales. Dans la réserve de Pacaya-Samiria, les activités liées au tourisme sont autorisées, ainsi que l’extraction pétrolière. Cette dernière causera plusieurs épisodes de pollution des eaux.
La dictature militaire en place depuis 1964 au Brésil prend fin en 1985. Ce retour à la démocratie constitue « un tournant majeur dans la gestion publique de l’environnement », analyse l’historienne Ombelyne Dagicour, spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Amérique latine, dans un article publié en 2020. « Pour la première fois, la Constitution promulguée en 1988 affirme la responsabilité de l’État brésilien en matière de protection environnementale », ajoute-t-elle. Cette nouvelle loi fondamentale proclame que « la forêt amazonienne brésilienne » et plusieurs autres écosystèmes du pays « constituent un patrimoine national ». Le texte précise que « sont reconnus aux Indiens leur organisation sociale, leurs coutumes, leurs langues, leurs croyances et leurs traditions ainsi que leurs droits originels sur les terres qu’ils occupent traditionnellement ». Mais la déforestation de l’Amazonie brésilienne se poursuit, « sous l’effet de la spéculation foncière » et du besoin de terres agricoles lié à « l’augmentation de la demande mondiale pour le soja et la viande de bœuf », observent les géographes Marion Daugeard et François-Michel Le Tourneau.
Après un record en 1995, la déforestation de l’Amazonie brésilienne atteint un nouveau point haut en 2004 [voir notre graphique]. Arrivé au pouvoir un an plus tôt, le président Lula lance un programme de protection de cette forêt. Coordonnant 14 ministères, son plan d’action établit des partenariats entre l’État fédéral, les collectivités locales et des représentants de la société civile pour sanctionner lourdement les activités de défrichement ou de commerce du bois illégales et faire « la promotion de pratiques durables », rapporte l’économiste de l’environnement Catherine Aubertin dans un article de 2016. En 2005, le gouvernement brésilien annonce fièrement une forte baisse de la déforestation. La tendance se poursuit jusqu’au début des années 2010. En 2015, un site d’information consacré à l’Amazonie reproche au gouvernement de Dilma Rousseff (gauche), qui a succédé à Lula en 2011, d’avoir nettement réduit le financement du programme anti-déforestation. À partir de cette année-là, la déforestation de l’Amazonie brésilienne suit de nouveau une tendance à la hausse.
En août 2019, l’Amazonie est confrontée à une importante série de feux, dont certains allumés par des agriculteurs pour défricher des terres. L’agence spatiale brésilienne constate qu’ils sont en augmentation de 83 % depuis le début de l’année par rapport à la même période l’année précédente. Le président français, Emmanuel Macron, reproche la situation à son homologue brésilien, Jair Bolsonaro, arrivé au pouvoir en janvier. Il l’accuse d’avoir « décidé de ne pas respecter ses engagements climatiques ni de s’engager en matière de biodiversité ». « L’Amazonie, c’est notre bien commun, nous sommes tous concernés », affirme Emmanuel Macron. Jair Bolsonaro répond en dénonçant une « mentalité colonialiste ». Le rythme de déforestation de l’Amazonie va s’accélérer sous sa présidence. Dans une interview à Brief.me lundi, Juliette Dumont, chercheuse spécialiste de l’Amérique latine, fait le constat d’« une destruction quasi totale des organes environnementaux chargés de protéger l’environnement sous Bolsonaro ».
L’Amazonie n’est pas le « poumon » de la planète, comme elle est fréquemment surnommée parce qu’elle nous alimenterait en oxygène. Une étude publiée en avril 2021 dans la revue Nature Climate Change montre même que sur les 10 années précédentes, la forêt amazonienne brésilienne a rejeté plus de carbone qu’elle n’en a absorbé. « Les dégradations de la forêt, causées à la fois par les activités humaines et le changement climatique, en sont la principale cause », explique sur son site l’Inrae, un institut de recherche public français spécialisé dans l’agriculture, dont des chercheurs ont participé à l’étude.
Pour aller plus loin
Un reportage d’Arte de 2020 sur un peuple indigène qui se bat pour préserver la forêt.
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