Une enquête journalistique révèle qu’une société israélienne a participé à des campagnes de désinformation.
Un journaliste de BFMTV a été suspendu après avoir diffusé des contenus biaisés à l’antenne.
Que révèle l’enquête ?
Forbidden Stories, un consortium international de médias, a révélé aujourd’hui qu’une entreprise israélienne avait mené des campagnes de désinformation dans le monde. Son enquête, baptisée « Story Killers », a permis de découvrir que cette société, surnommée « Team Jorge », était parvenue à faire diffuser des contenus sur l’antenne de BFMTV pour le compte de ses clients. La direction de BFMTV, sollicitée par le consortium lors de son enquête, lui a confirmé la diffusion de ces sujets et a lancé une enquête interne. La chaîne a suspendu le mois dernier le journaliste présentateur Rachid M’Barki, qui a diffusé dans le « Journal de la nuit » ces sujets aux informations biaisées, non validés par la rédaction en chef. Les textes lus à l’antenne et les images diffusées ont été transmis « clé en main » au présentateur par un intermédiaire, a précisé Radio France, qui a participé à l’enquête. Rachid M’Barki a reconnu auprès de sa direction des opérations « d’entrisme » et confessé une éventuelle « erreur de jugement journalistique », a rapporté Radio France.
Quelles sont les méthodes de l’entreprise israélienne mise en cause ?
La « Team Jorge » affirme être intervenue dans « 33 campagnes présidentielles, dont 27 ont été couronnées de succès », rapporte Forbidden Stories. Elle a également mené des campagnes de dénigrement contre un homme d’affaires hongkongais et contre l’agence de sécurité sanitaire britannique, selon l’enquête. Pour diffuser les contenus qui répondent aux demandes de ses clients, la société israélienne dispose d’une « armée d’avatars » : plus de 30 000 profils de fausses personnes, qui ont des comptes Facebook, Instagram, Amazon, etc., sont pilotés afin de publier massivement sur les plateformes. Selon Forbidden Stories, ces avatars ont participé à au moins une vingtaine de campagnes de désinformation « sur quasiment tous les continents ». La société s’appuie sur un programme d’intelligence artificielle, qui peut aussi créer et mettre en ligne rapidement et massivement des contenus (articles, commentaires, tweets), dans plusieurs langues. Elle a également piraté les comptes personnels de hauts responsables africains, affirme Forbidden Stories.
Quelles mesures permettent de lutter contre la désinformation ?
En France, la loi contre la manipulation de l’information, promulguée fin 2018, permet de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion d’informations trompeuses durant les trois mois précédant un scrutin national. Le juge doit apprécier sous 48 heures si ces informations sont diffusées « de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive » et si elles sont « de nature à altérer la sincérité du scrutin ». Un rapport remis à Emmanuel Macron en janvier 2022 et conduit par le sociologue Gérald Bronner préconisait de développer la formation à l’esprit critique et à l’éducation aux médias en milieu scolaire et dans « la société civile », afin de permettre à chacun de se prémunir contre les fausses informations par le biais d’une meilleure « vigilance intellectuelle ». « Il s’agit de la façon la moins liberticide de réguler ce marché de l’information devenu chaotique », estimait le rapport.
Pour aller plus loin
Notre panorama sur les informations trompeuses.
Notre dossier sur les collectifs internationaux de journalistes.